Nord Espagne hors route, le long de la chaine Navarre, Cantabrique et Asturies (Mai 2023)

Introduction

Après avoir réalisé en mai 2022 toute la partie Andalousie – Pyrénées du TET Trans Euro Trail (améliorée de quelques variantes glanées par mes soins de cartographe nocturne), il restait toute la partie nord, qui s’étend des Pyrénées à la Galice, en passant par la Navarre, la Cantabrique et les Asturies. Une partie là aussi modifiée par mes soins, afin d’en faire une boucle et de toujours explorer les versants Sud (à l’aller) et Nord (au retour) de cette fabuleuse succession de chaines de moyennes et hautes montagnes. Le choix ne s’est pas fait au hasard. Ces régions sont réputées magnifiques au printemps (festival de couleurs), et redoutables…. en matières culinaire et vinicole (à tel point que je comprends mieux pourquoi tant de gens sont prêts à aller à Saint-Jacques de Compostelle à pieds pour être sûr de ne pas rater une bodega de Rioja, un « chuleton de vaca vieja » ou un « cachopo al Cabrales ».

L’esprit reste toujours le même: un minimum d’asphalte, et un maximum de chemin de terres, d’herbe, de pierres, toujours autorisés. Arriver à des sommets, contempler, traverser des gués, des villages abandonnées, rencontrer et échanger avec des bergers, … 3550km en 12 jours, dont 2600 hors-route environ. Réalisés avec une machine mieux adaptée à cette aventure (GasGas700ES) que la Triumph de l’année passée sur les terres andalouses et méditerranéennes, laquelle n’aurait pu franchir un certain nombre d’obstacles sur ces terrains du nord de l’Espagne, plus exigeants (je finirais d’ailleurs par en prendre une, de gamelle, en fin de voyage). Je dirai quelques mots de cette nouvelle monture en fin de billet.

Descriptif jour après jour (La carte ci-dessus indique le tracé, et en rouge les étapes nocturnes) :

Jour 1: Rabastens – El Pont de Suert. 390km

On entre dans les Pyrénées par des premières pistes au-dessus de la petite station du Mourtis, pour nous conduire, sous des averses de pluie, à la frontière espagnole et monter la piste qui mène au « Coth de Varrados », à 2100 mètres. Une piste généralement facile, mais encore enneigée à cette saison, rendant son passage au sommet difficile (mais magnifique). Après avoir passé par la route le col de La Bonaigua (pour information, toute la partie « Val d’Aran » vient d’être récemment interdite à tous véhicule motorisés – à juste titre), on entame la piste, plus difficile, qui monte vers le « Coll Triado ». Avec une forme d’appréhension car plusieurs passages de cette longue piste en crête atteignent les 2300 mètres d’altitude, et donc susceptibles d’être enneigés. Etonnamment non, et ces 40km se feront sans encombre. Je dévie de la trace pour descendre par les pistes qui mènent à Llessui, partie plus jolie et intéressante que celle de la trace du TET, pour terminer par un mix de pistes plus faciles et de petites routes de montagne jusqu’à la première nuit à El Pont de Suert. Première IPA locale méritée chez l’aubergiste .

Jour 2: El Pont De Suert – Loarre. 290km

Réveil matinal et exploration de traces réalisées par mes soins, alternatives au TET. Ce sera souvent le cas versant Sud des Pyrénées, car j’ai déjà arpenté les pistes du TET dans ce coin lors de la virée aragonaise de 2021. Au final, seule une partie était non autorisée – la montée vers le haut plateau du « Turbon » (difficile à évaluer lorsqu’on prépare en amont soi-même une trace). A l’inverse, les 25km de chemin qui vont du pied du Turbon jusqu’à Morillo de Llena, en passant par le menhir et le village d’altitude de Merli, auront été une réussite. On commence et on termine par des paysages de « roubines », avec au milieu, une magnifique piste technique d’où se dévoilent en permanence de magnifiques paysages aragonais. On reprend les traces du TET qui conduisent vers le sud de Ainsa puis la Sierra de Guara. Toujours magnifique, mais une réalité se dessine brutalement : alors qu’en aout 2021, certains passages à gué se faisaient dans des niveaux d’eau non négligeables, ils se feront à sec en mai 2023. Une façon de se prendre le changement climatique en pleine gueule ! A partir de Arguis, on tente à nouveau une trace alternative qui rejoint Loarre. Le TET passe par une petite route de vallée a priori de peu d’intérêt. A l’inverse, la piste que l’on emprunte par la passerelle du personnel technique du barrage, et qui monte jusqu’au sommet de la montagne est difficile mais offre une fois arrivé au sommet une perspective incomparable sur la plaine de Huesca. On navigue en crête ainsi sur une vingtaine de kilomètres, avec l’impression de « rouler sur le toit », au milieu d’une végétation printanière luxuriante. On redescend sur Loarre en contemplant des monastères érigés dans les falaises, avant de finir dans un cabanon au camping de Loarre. Deuxième IPA local méritée, con jamon et croquetas.

Jour 3: Loarre – Olite. 340km

Lorsqu’on est à Loarre, on le sait, on est dans une région réputée pour ses curiosités géologiques. Et chance supplémentaire, elles sont accessibles par des pistes autorisées, où peu de voitures oseraient s’aventurer. Ce sera donc le programme de la matinée, avec les colonnes de Riglos, puis la piste qui passe dans le canyon de La Foz de Escalete, un endroit vraiment surprenant. A partir de là, s’en suit une centaine de kilomètre de pistes non stop, sans le moindre passage par le goudron, jusqu’au nord des Bardenas. Alternance de passages rapides et techniques, et surtout, au beau milieu, une zone d’une vingtaine de kilomètres où les chemins sont recouverts de fesh-fesh, sable hyper fin. Le genre de chemins où il faut lever l’appréhension, regarder au loin et prendre de la vitesse si l’on veut pas se planter en permanence… Sauf que, pour les lecteurs qui me découvrent, ben, j’en suis pas capable. J’ai un niveau technique moyen (mais adore les difficultés) et une condition physique peu conforme aux standards du bucheron suédois. Alors j’ai passé cette zone les yeux rivés sur ma roue avant, à une moyenne de vitesse indigne du gars qui se prétendrait être un bon enduriste. Anyway, c’est passé, sans mettre la moto par terre. Approchant des Bardenas, je redécouvre avec plaisir les vestiges de l’aqueduc de los Banales, notant au passage que ces paysages sont bien plus beaux au printemps que l’été. Et notant au passage qu’il sera peut-être temps pour les autorités locales d’interdire ces zones l’été (mais laissez-les nous un peu en dehors de cette saison s’il vous plait). On entre en milieu d’après-midi dans le désert des Bardenas, au sein du quel j’ai tracé moi-même de nouvelles boucles, qui par chance une fois sur place étaient toutes autorisées. Environ 180km réalisés au sein de ce désert toujours aussi incroyable, surtout dans sa partie sud, peu connue et donc peu fréquentée, où l’on peut sur plusieurs points poser sa monture sur des falaises ouvrant des vues époustouflantes sur cette immensité géologique. On termine par une vingtaine de kilomètres sur route pour rejoindre le bourg médiéval de Olite, où l’aubergiste aura eu l’amabilité de m’amener visiter sa cave.

Jour 4: Olite – Elciego. 245km

A partir de ce jour, et jusqu’au dernier, j’entre en terres inconnues, du moins d’un point de vue off-road, car l’ensemble a déjà été parcouru les années passées par la route lors de deux voyage et voyage à travers la péninsule ibérique. Je suis les traces du TET à travers des paysages verdoyants à cette saison du Sud de la Navarre. Des chemins techniques, de nombreux très appréciés « single tracks », des zones parsemées de dolmens. Puis on commence à entrer dans l’Alto Rioja (je pense déjà à ma soirée du coup) à travers des forêts aux arbres millénaires aux formes parfois étranges, protégés des pluies et vents du nord par la chaine rocheuse qui surplombe toute cette zone de la Rioja, et doit expliquer la qualité des vins qui s’y produisent. Plusieurs arrêts devant des bodeguas qui s’affrontent en qualité des vins et en architecture, avec, au-dessus du lot, la bodegua Ysios. Un arrêt pour la nuit à Elciego, dans une de ces bodeguas qui offrent le gite. Et une dégustation très appréciée. Merci Rojanda.

Jour 5: Elciego – Orbaneja del Castillo. 245km

Tôt le matin on repart pour une moitié de parcours suivant les traces du TET dans la l’Alto Rioja, avant de rejoindre les gorges de l’Alto Ebro par des chemins assez rapides pour certains, et beaucoup de « single tracks » au milieu de nulle part pour d’autres. A moitié journée, je sors de la trace du TET pour aller explorer des traces que je me suis confectionnées dans une micro région du « comarque de la Merindades ». En l’espace d’une centaine de kilomètres de chemin, j’aurais alterné plateaux d’altitude herbeux, chemins dans des gorges rocailleuses. Puis une arrivée que je m’étais soigneusement préparée en amont du voyage, à Orbaneja del Castillo. Un village niché au fond d’un méandre, avec cascades et vasques d’eau turquoise au sein du village. Le chemin déniché pour descendre d’un plateau rocailleux vers le village était par chance autorisé (sinon, la seule alternative était 25km de route). Tout au long de ce chemin rocailleux en pente descendante forte, on observe (ouais, enfin, on fait gaffe quand même) l’étonnante barrière rocheuse dans laquelle certains orifices se sont retrouvés « dilatés comme jamais », pour reprendre une expression dans l’air du temps en France. Cette descente se termine au sommet du village, où apparaît un hôtel rural particulièrement bienvenu, où la vue, l’IPA locale, et les côtes d’agneau de lait, finiront idéalement ma journée.

Jour 6: Orbaneja del Castillo – Léon. 295km

On repart le lendemain matin, d’abord sur la fin de la trace particulière que j’ai créée. Celle-ci remonte sur un plateau d’altitude, le plateau de Valdeajeos, parsemé de centaines de kilomètre de pistes, sans autre trace de vie que des puits de pétrole abandonnés qui côtoient les alignements d’éoliennes. Une image immersive de la transition du modèle énergétique. On descend du plateau par le sud pour retrouver la trace du TET, qui poursuit sa route à travers des paysages arides faits de curiosités rocheuses et de cascades asséchées. Toujours aucune trace humaine alors qu’on a déjà parcouru 150km, et les pistes deviennent de plus en plus techniques. Sur l’une d’elles, la difficulté est trop importante pour parvenir à grimper. Pas de chute, mais il faudra « trialiser » par les traces des troupeaux à flan de colline pour parvenir à passer la difficulté. Une fois passée, une autre difficulté se présente, d’une autre nature. Si depuis le départ 6 jours avant, j’avais ouvert et refermé une quinzaine de barrières – les agriculteurs et bergers bricolant toujours des systèmes simples d’ouverture et fermeture leur permettant de sécuriser leurs troupeaux -, là, visiblement, un agriculteur récalcitrant avait totalement empêché les ouvertures, sur trois barrières, à coup de fils de fer et autres nœuds bien serrés. il m’aura fallu une heure pour ouvrir et refermer trois passages, avec l’aide des outils de la moto et des cordelettes que j’avais en réserve. Je n’étais que peu rassuré à vrai dire, car, même si les chemins étaient autorisés, je ressentais une atmosphère façon « As Bestas » (pour ceux qui ont vu le film) et craignais une rencontre avec l’agriculteur. Jusque là, j’avais échangé avec plusieurs bergers, tous très heureux de voir des étrangers apprécier la beauté de leur coin et leur métier. Là, l’ambiance était autre, mais peut-être celui-ci avait-il eu des problèmes de troupeaux en raison de couillons qui n’auraient pas refermé les barrières après leur passage. Je ressors de la trace du TET pour explorer une piste qui m’avait interpellé sur les images satellite, car serpentant sur une longue montagne à la couleur blanche. Une belle piste, se terminant dans le versant nord par un paysage contrastant car verdoyant. Je venais de mettre une roue dans les Asturies alors que je naviguais dans le province de Léon depuis le début de la journée. Il est tard, les kilomètres du TET qui suivent semblent sans grand intérêt, alors je prends la route durant une cinquantaine de kilomètres pour passer la nuit à Léon. Une capitale régionale après 6 nuits dans le rural profond. Léon, c’est une belle cathédrale, et un vieux quartier qui s’anime à partir de 20h et jusque tard dans la nuit. Je suis les pratiques locales : un verre et de quoi l’accompagner dans différents bars. L’incontournable « Cecina de Léon » (bœuf séché) et mon caprice: « Pulpo à la Gallega ». Si avec ça tu dors pas bien !

Jour 7: Léon – Sena de Luna. 265km

Argh, cela devait arriver !! La pluie. J’étudie ma trace, et constate qu’elle débute en plaine dans des forêts. Du gras donc, et apparemment pas de grands intérêts paysagers. Je choisis donc de prendre cap à l’ouest par la route, sous des trombes d’eau, jusqu’à Astorga, jolie ville moyenne où a sévi Gaudi en y érigeant un palais épiscopal. Au bout de 80km de route depuis Léon, je reprends la trace du TET qui bifurque vers le nord puis l’est, ce qui veut dire que j’ai atteint la partie la plus éloignée du départ 7 jours avant. J’entre dans les Asturies, avec les deux roues cette fois et pour au moins deux jours. Certainement une des parties les plus belles du parcours. des montages arrondies avec des pistes variées gravitant autour des 1800 mètres et le passage de plusieurs cols avec en vue en permanence des dégradés de vert (prairies et forêts de pins), violet et jaune (végétations basses), le tout avec le retour du soleil. Une région minière où l’on traverse des petits villages aux habitants d’abord fermés puis disposés à raconter avec le sourire l’histoire de leur région. Cela durera 150km et une partie de la journée, avant d’arriver dans le parc national de hautes montagnes de « La Luna ». Il est encore tôt, 18h, mais je ne résiste pas à la beauté de l’agroturismo « Dias de Luna », une ancienne école de village reconvertie, où je dormirais côté « niños » comme il se doit. Je profite du parc pour bouquiner, puis du temps avant l’apéro pour un petit entretien de la moto. Merci à ce couple pour l’excellent repas « solomillo de cerdo » en croute, avec velouté de poids chiches et châtaignes. La meilleure étape du périple.

Jour 8: Sena de Luna – Cangas de Onis. 290km.

Dès le lendemain on poursuit dans le parc de la Luna, où j’ai complété la trace TET d’une piste magnifique qui mène au « Puerto de la Cubilla », puis plus haut encore, à un micro cluster de cabane de berger. Les derniers kilomètres ne sont pas autorisés, dommage mais justifié. On redescend donc vers le point de départ du matin pour reprendre le TET et le col routier de la Ventana, du quel démarre une des plus belles pistes du parcours (facile), d’abord marquée par ces mêmes couleurs que la veille sur le versant sud aux alentours de 1800 mètres, puis descendant sur le versant nord à travers de luxuriantes forêts et ruisseaux. Durant les heures et kilomètres qui suivent je suis le TET à travers la moyenne montagne et m’offre des variantes « points de vue » que la trace évitait : Alto del Gamoniteiro (1800 mètres), un pic surplombant Oviedo ; les cascades du Rio de Torio; les gorges de Valdeteja, en enfin la superbe et longue piste qui mène au Puerto de Vegará. Discipliné que je suis, je reprends la trace du TET durant une trentaine de kilomètres qui réserve quelques difficultés vers la Ermita de la Visitación, en raison des pluies de la veille. Et fatigué que je suis, je termine par 30km de route pour rejoindre Cangas de Onis, ville touristique d’Asturies, point de départ des différentes façons de visiter les Picos de Europa. Apéro, puis l’incontournable « Cachopo » local (sorte de cordon bleu énorme fait de filet de boeuf, fromage Calabres, et Serano, en plusieurs couches. Là, je l’avoue, j’ai merdé niveau calories.

Jour 9: Cangas de Onis – Santander. 245km

Aujourd’hui, on est au cœur de la cordillère de Cantabrique, plus connue sous le nom des « Picos de Europa ». Plusieurs fois traversés à moto de route, je me dirige cette fois-ci vers l’unique piste autorisée qui permet de traverser la chaine au plus haut. Je suis la trace du TET, mais j’en sors à chaque fois que, à droite ou à gauche, je vois des pistes qui permettent de monter et d’observer ces pics (ce sont des culs de sac, mais c’est pas grave, c’est aussi beau à monter qu’à redescendre, et on perd pas un morceau de la trace du TET). Et j’arrive sur LA fameuse piste chérie des fondu.e.s d’aventures moto hors route. Une piste d’une quinzaine de kilomètres, pas si haute que j’imaginais (max 1600m au plus haut) mais très impressionnante. On est dans un vallon verdoyant montant, qui n’en finit pas de monter. Mais un vallon pas en forme de U, mais en forme de cloche, c’est à dire que le point le plus haut du vallon est au centre, les prairies descendent sur la droite et la gauche, avant d’atteindre les fameux pics granitiques qui culminent ensuite vers 2600 mètres. On roule donc sur une piste de caillasses instables sur le haut de la cloche pendant plusieurs kilomètres. Si je n’ai croisé que peu de motards depuis le début du parcours. En revanche, sur cette seule piste, j’ai croisé trois groupes. D’abord parce que c’est assurément un des plus bels endroits du TET, mais aussi, parce que des ferries réguliers relient l’Angleterre et l’Irlande à Santander et Bilbao, villes portuaires plus bas, expliquant la facilité d’amener des motos d’enduro sans avoir à souffrir du trajet routier. Arrivé au sommet, la piste puis une route rejoint le village touristique de Potes. Les Picos de Europa ayant été dégommés plus vite que prévu, on continue sur des pistes du TET, moins hautes, mais exigeantes physiquement, sans moment de répit. Je m’en offre ainsi une centaine de kilomètres pendant 3 ou 4 heures, avant de sentir la fatigue, la pluie arriver, et, surtout, le pneu arrière trop usé pour poursuivre l’aventure. Je me dirige donc vers Santander, à une trentaine de kilomètre par la route, en prenant un morceau de côte depuis la cité de Comillas et ses beaux palais. Deuxième grande ville du parcours donc. L’agitation sur les voies de circulation comme dans les rues étroites fait penser à la version ibérique de Naples. Je sens que je vais passer une bonne soirée. Elle se déroulera essentiellement , pour y tester quelques spécialités locales, notamment les « zamburinas », avant de fermer l’œil un peu plus haut à l’Art Hotel de Santander.

Jour 10: Santander – Castro-Urdiales. 170km

Rendez-vous 9h avec le concessionnaire local pour le changement de pneu, et on repart. Il pleut beaucoup (sinon, cette région ne serait pas aussi verte) et je suis confronté rapidement à des difficultés. Les chemins sont en terre, très très gras, et dès les premières pentes – rappelez vous mon niveau physique – je me rends vite compte que ça ne passera pas. Je trouve des variantes par les petites routes, la flotte a traversé toute ma panoplie d’aventurier, j’ai froid. Le temps se calme, je me sèche un peu chez un aubergiste qui me propose son meilleur bœuf, et repars. Les pistes redeviennent plus caillouteuse, glissantes, mais ça passe, Je traverse les premières forêts d’eucalyptus qui a cette saison parfument les chemins ….. jusqu’au moment tant indésiré : Vers 16h, à l’approche d’un sommet, sur les dernières pentes d’une piste de roches grisâtres, l’arrière glisse, la moto se met en équerre, se soulève, je tombe et le cale pied cranté (ou la pédale de frein, crantée elle aussi) de la moto me blesse le haut du mollet. Rien de cassé, mais un fort saignement. Garrot avec une corde, nettoyage et séchage au papier hygiénique, désinfection, et amoncellement de pansements jusqu’à ce que le sang ne parvienne plus à s’écouler. Etant en hauteur, j’aperçois au loin une ville côtière (Laredo) d’où pointent quelques immeubles, il doit bien avoir un service d’urgence (confirmé par google). Il faut encore relever la moto, qui bien sûr est couchée du mauvais côté (selle et guidon vers le bas de la pente, roues vers le haut). Je la ripe à 190° au sol, afin de la relever facilement, et repars vers Laredo. Osmand me dit 18km dont 8 de pistes. Don’t panic, ça va bien se passer. Et cela se passa bien. Un jeune interne m’a fait 5 points de suture, un beau pansement avec bas résille sexy. 2h30 après la blessure, je suis soigné et peux repartir, mais je me poserai bien quelque part. Ce sera dans la jolie ville portuaire de Castro-Urdiales, à l’ouest de Bilbao, où quelques produits de la mer m’accompagneront. J’oublie de vous dire que je m’insulte toute la soirée: le choix de bottes mi- hautes plutôt que hautes aura été un très mauvais choix à ne pas reproduire. Avec des bottes standards d’enduro, je n’aurais pas été blessé. Bien fait pour ta g….

Jour 11: Castro-Urdiales – Elizondo. 325km

Pas de douleur au réveil. On peut repartir. Mais limitons les conneries pour ces derniers jours. Point de prévision météo détaillé heure par heure de mon point de départ, vers l’est. Encore de la pluie, mais plus de pluie le long de la côte que dans les terres. Je me trace donc à la vavite un parcours fait de petites routes de montagnes et plateaux, entre Navarre du Nord et Pays basque intérieur, les deux étant séparés par de magnifiques falaises, qui, justement, bloquent généralement une grande parties des dépression (et justifient le changement brutal et très plaisant des paysages). Je m’offre tout de même un peu de off-road sur deux points du roadbook initialement prévus (j’ai quitté les traces du TET la veille….. car il n’y en a pas à cet endroit – pour répondre à des questions qui m’ont été posées sur les réseaux sociaux). Juste un peu, car si le pilotage assis ne pose pas de problème à la jambe, en revanche, le pilotage debout conduit mon mollet à frotter le flan de la moto, et donc attise le douleur. D’abord la piste de 17km qui permet d’atteindre un des points culminants de cette ligne de falaise : « La Cima Castro Grande », d’où la vue est impressionnante. Juste avant le sommet, un tunnel creusé dans la falaise permet de traverser cette dernière. J’ai traversé ce tunnel, 50m à peine, dans la roche…. un grand souvenir ! A la sortir du tunnel, on ne peut poursuivre, car le chemin se transforme en sentier escarpé de randonnée, infranchissable à moto. Ensuite, une fois passée la ville de Vitoria Gasteiz, on retrouve ces falaises dans le « Parque Natural Urbasa » où quelques kilomètres de pistes permettent de longer la crête de la falaise…. Magnifique. Il ne reste plus qu’à rejoindre la capitale de la Navarre, de laquelle je décide de tirer plus haut vers la fameuse vallée du Baztan, plus haut dans les montagnes partagées par le Navarre et le Pays basque. J’évite la route principale et vais me perdre sur des très petites routes de montagne qui passent par le très beau col « Alto de Artesaga ». Là, une fois passé ce col, je descends vers le village d’Elizondo. Une étape que je souhaitais, car c’est le village de la « Trilogie du Baztan », les romans policiers de l’autrice Dolores Redondo, dont je voulais retrouver l’atmosphère. Je pouvais pas faire mieux que de loger dans le petit « hostal » où Amia, l’héroïne, a ses habitudes apéro/resto (bon, c’est une héroïne de fiction, donc je l’ai pas croisée, mais j’ai tout de même demandé). Le petit bar de l’Hostal, près du très beau pont qui franchit la rivière Baztan si centrale dans les romans, ouvre directement sur la salle couverte de pelote basque. Atmosphère délicieuse, et bien sûr, comme Amia, apéro (bonnes IPA basques) et resto (chuleton de vaca vieja), au comptoir, le tout en papotant avec l’aubergiste. Nuit bercée par le bruit de la Baztan.

Jour 11: Elzondo – Rabastens. 345km

Dernier jour, pluie en continu (on apprendra de fortes crues dans les médias le lendemain). Je décide d’un retour intégralement routier, à la fois triste (se prendre la la flotte toute la journée et quitter l’Espagne), et heureux (12 jours de paysages et immersion locale dans ces belles régions, plaisir de rider hors route dans ces paysages si riches et variés, longs et importants moments d’introspection, …). Je m’offre tout de même des premiers kilomètres très beaux pour rejoindre Saint-Jean-Pied-de-Port, on est cœur des montagnes basques. Puis Pau, puis une traversée par le Gers sous la pluie pour rejoindre Rabastens en contournant Toulouse. J’avais encore des IPA dans mon frigo, et un rayon de soleil m’a accueilli.

La moto

Ce trip aura été réalisé avec une GasGas700ES, un monocylindre léger de 148 kilos de type trail pas routier / enduro-loisir. Acheté en janvier 2023, le temps de roder le moteur avant le départ. GasGas est une marque espagnole, mais il s’agit en fait d’une KTM, autrichienne déguisée. KTM a racheté GasGas et décliné la même machine avec de simples modifications esthétiques correspondant à la marque espagnole.

Pourquoi cette moto ? Premièrement, un caprice. Si certains veulent une Rolex à 50 ans, je rêvais de mon côté depuis longtemps d’avoir deux motos (Oui, la Triumph est toujours dans le garage). Deuxièmement, la Triumph est trop lourde pour ce type de trip, bien qu’elle s’en soit parfaitement sortie dans les deux précédents voyages hors route. Mais sur celui-ci, j’aurais trop souffert et fais beaucoup de demi-tours devant certaines difficultés où la GasGas est passée sans problème.

Il s’agit de la moto d’origine, agrémentée de: 1. Une tour/carénage Rade Garage, un artisan tchèque qui prépare des équipements dédiés aux voyages hors route. 2. Porte-bagage et fixations 3Dmoto, un autre artisan, polonais cette fois-ci, également spécialisé dans les « up-grading » de ce type de moto. 3. L’ensemble des protections (guidons, moteur, radiateur) est issu du catalogue des accessoires du fabriquant de la moto. Rien de plus. Pour la bagagerie, je reste fidèle à Touratech, accessoiriste allemand, et j’ai complété par un sac Enduristan, fabriquant suisse, robuste, étanche et aux fixations pratiques. En tout, 90 litres de volume de chargement, incluant matériel de réparation de crevaison (chambres à air, démonte pneu, béquille), outillages divers, scotch US, sangles de tractage, cordelettes, graisses et huiles, pharmacie premier secours, fringues de pluie, eau et nourriture. Le tout dans la bagagerie latérale. Tout le reste dans le sac, à l’arrière, le seul à désangler le soir pour rejoindre l’hébergement.

Prochain achat: rien, sauf des bottes d’enduro qui montent jusqu’aux genoux 🙄

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